/TAP : Temps d’activités périscolaires ou Temps d’agitation permanente ?
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Petit coup de pouce au changement

TAP : Temps d’activités périscolaires ou Temps d’agitation permanente ?

26 octobre 2013

Une bibliothécaire bourguignonne raconte :

« Notre ville a opté pour une mise en place de la réforme des rythmes scolaires dès la rentrée 2013. Elle a tout naturellement pensé à la bibliothèque pour intervenir dans le cadre des TAP. La collaboration est quasi imposée, puisque nous, bibliothécaires jeunesse, avons déjà l’habitude d’intervenir auprès des scolaires et que cela fait partie intégrante de nos missions : transmettre l’envie de lire, faire découvrir encore et encore des histoires, faire connaître et faire vivre la bibliothèque. Alors, il a fallu s’organiser. Un roulement dans l’équipe, une augmentation d’heures pour trois d’entre nous a même été négociée et acceptée.

Je suis partie la fleur au fusil, d’autant que, dans le cadre d’une association artistique, j’interviens depuis de longues années , auprès d’enfants et de publics adultes « difficiles ». J’ai pris le temps de préparer, de réfléchir aux différentes lectures et à des liens entre l’art et les mots. J’étais motivée.

Voilà donc ici, l’histoire d’une de mes intervention dans une école classée ZEP sur le temps d’activités périscolaires qui se déroulent dans notre commune à l’école et sans que les enfants aient choisi l’activité. C’était le jeudi 3 octobre 2013. Ça aurait pu être un autre jour et avec une de mes collègues qui, bien que très chevronnée et investie, s’est heurtée aux mêmes difficultés.

Le soleil brille lorsque je suis entrée dans l’école. Et là, tout a été très vite… Tout a basculé en une heure. Parce qu’avant de commencer la séance, le temps de regrouper les enfants, de faire le tour des classes, de faire l’appel, – certains enfants m’ont même donné de faux noms en se jetant des coups d’œil amusés entre eux – de vérifier qu’on n’en perd pas en route, de se rendre dans une salle, finalement attendre un enfant qui a oublié son cartable ou son pull dans sa classe tout en haut, de sourire aux enseignants qui nous regardent, impuissants, de recompter son groupe, le temps que les enfants s’installent, mettent de côté leurs cartables, que je leur explique une fois de plus ma démarche, ce que nous allions continuer ensemble, mais entre temps un enfant en frappe un autre, une autre sort son goûter, il y a des miettes partout, ils discutent, ont envie de prendre l’air. Bagarre entre garçons à nouveau. Une petite fille en pleurs, elle avait laissé son jus d’orange en brique dans sa classe et quelqu’un le lui avait pris. Un autre encore qui avait trop soif. Un autre qui hurle : « C’est nul ! J’veux faire foot ».

L’excitation était intense. Impossible d’avoir du calme. J’ai respiré un grand coup. J’ai dû crier (chose que je me suis toujours refusée de faire lors de chacune de mes interventions). Je les ai fait mettre en rang. Et nous sommes sortis dans la cour. Je voulais juste sortir, les faire sortir de cette salle qui résonne encore de leurs cris. Et là, j’ai improvisé des jeux. De la course. Garçons contre filles. Puis un relais. J’ai même couru avec eux. J’étais essoufflée, j’avais chaud. Puis pause. ‘’Asseyez-vous’’, ‘’soufflez, respirez’’, ‘’reposez-vous cinq minutes’’. Rien à faire, la plupart continuaient à faire n’importe quoi. Les garçons à se battre, d’autres voulant aller aux toilettes, d’autres à brailler de plus en plus fort. Vite que ‘’l’heure des mamans’’ arrive ! Je vais craquer. Nous sommes retournés dans la salle, pour récupérer les cartables et je voulais tenter un dernier essai, une dernière lecture. Un enfant en particulier n’écoutait rien, faisait le cirque, me narguait, rigolait. Je l’ai fait asseoir à côté de moi. Il jouait avec son pied sur la couverture du livre. Je les ai regardés. J’ai fermé le livre. Stop. Je ne peux plus. Chercher les cartables, attendre les parents, disparaître. Certains enfants (4 sur 12 environ) étaient désolés de n’avoir pas eu la fin de l’histoire. Les autres jubilaient. Ils avaient gagné. Ils étaient les plus forts. J’ai perdu toute crédibilité face à ce groupe. Le vrai cauchemar. Conclusion, sur une heure de présence dans cette école, je n’ai pu raconter qu’une seule histoire et encore pas jusqu’au bout.

Je suis retournée à la bibliothèque, avec mon caddie plein de livres. Je me suis assise à mon bureau. J’ai respiré et j’ai pleuré. Je m’étais pourtant accrochée parce que je croyais en mon projet. Cette expérience a été un véritable échec. Un échec personnel bien sûr, un échec pour la lecture et surtout ce sentiment d’avoir perdu de futurs lecteurs. »

  • Comment demander après une journée d’école encore un effort à des enfants qui n’ont pas choisi l’atelier et qui ont besoin de se dépenser ?
  • Comment mettre à profit nos compétences dans ces conditions-là ?
  • Est-ce vraiment la place des bibliothécaires de participer à ces TAP. ? Si oui, avec quels objectifs et quels contenus ? A quel rythme, à quelle heure et dans quel lieu ?
  • Où trouver le temps nécessaire à la préparation et à l’accueil sans nuire à notre mission de service public et d’accueil de groupes ?

Livralire ouvre le débat et propose de collecter d’autres témoignages à envoyer à asso[arobase].livralire.org puis de réfléchir avec les bibliothécaires qui le souhaitent à un schéma type d’intervention des bibliothécaires dans le cadre des TAP.

VML

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