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Petit coup de pouce au changement

Libérons les livres !

22 janvier 2013

C’est l’automne. La rentrée littéraire bat son plein. J’entre dans la médiathèque d’une agglomération du sud-ouest de la France. A l’espace littérature adulte, une table, bien qu’isolée, attire mon attention. Elle est tapissée d’une revue de presse sur une sélection de titres. Un peu perdus sur ce fond séduisant, cinq petits présentoirs noirs sur lesquels ont dû être exposées les nouveautés correspondantes. Mais j’arrive trop tard. Plus un livre. Ils sont tous sortis. La belle installation n’aura sans doute fonctionné qu’une journée.
Je me tourne vers deux vitrines horizontales cadenassées dans lesquelles ont été déposés, tels des reliques, quelques romans précédents des écrivains fantômes de la table. Ces ouvrages seraient-ils si précieux ou si dangereux qu’il faille les enchâsser sous verre ? L’ensemble est d’une tristesse désespérante. Je note également l’absence, aussi bien sur la table que sur la vitrine, de listes des ouvrages mis en valeur.

Les intentions de départ étaient bonnes : attirer l’attention par un décor, proposer les nouveautés sitôt leur parution, rapprocher les œuvres d’un auteur, aider le public à choisir. Le résultat est médiocre : livres absents de la table ou enfermés dans la vitrine. Le personnel a passé du temps, l’usager est déçu. On l’appâte sans lui permettre de feuilleter ni de partir avec le livre. Que les lecteurs quittent la bibliothèque avec les livres qu’ils ont envie de lire (ou d’autres) est pourtant bien l’objectif des professionnels qui animent les lieux. Pour cela, ils doivent se mettre dans la peau du lecteur, aller au devant de son désir (ou le créer), mais sans le laisser tomber en chemin.

Ainsi, cette opération « rentrée littéraire » pourrait être optimisée, devenant une animation à part entière au sens premier du mot (anima=souffle). On pourrait par exemple prévoir deux tables :
Sur la première, tapissée d’articles selon la bonne idée de cette médiathèque, les succès de la rentrée avec :

  • un exemplaire sur présentoir avec la mention à consulter sur place. On pourra ainsi, comme en librairie, le prendre, le toucher, lire la quatrième de couverture, parcourir les premières pages.
  • plusieurs exemplaires (et oui !) pour un prêt limité à 8 jours, disposés en pile sur un fantôme de la couverture. Multiplier le nombre d’exemplaires permet de réduire l’attente et d’augmenter le nombre de prêts dans la période de « désirabilité » de l’ouvrage. On pourra indiquer sur le fantôme le nombre d’exemplaires mis en circulation, pour donner une idée du temps d’attente.
  • un signet avec la liste de ces acquisitions.

Sur la deuxième table, les romans précédents des mêmes auteurs (ou une sélection des rentrées antérieures). On disposera ces fictions tirées du fonds, en vrac à plat ou dans des boîtes (à chaussures) avec la liste des titres et la photo de l’écrivain, dans le même esprit que les coupures de presse de la première table. Et on n’oubliera pas d’attirer l’œil par une mention du style : « Ils n’ont pas attendu cette rentrée pour écrire ».

A l’inconsolable bibliothécaire qui se demandera quoi faire des meubles en verre, je conseille un détournement : supprimer le couvercle vitré, faire installer des séparations verticales et mettre des livres en vrac comme à Lausanne. Le lecteur n’aura jamais trop d’occasions de farfouiller dans ces bibliothèques trop ordonnées et donc de trouver son bonheur.

VM Lombard

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