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Petit coup de pouce au changement

Frilosités

29 décembre 2008

L’année où Livralire n’a pas organisé de voyage-lecture, les habitués se sont sentis abandonnés. A la question : « Que vous a-t-il manqué le plus ? » les enseignants et les bibliothécaires ont unanimement répondu : la sélection de livres. Ils reconnaissaient par là que la constitution de packs de 12 fictions est un travail à part entière qui exige de suivre et de lire la production éditoriale.
Pour presque tous, cette part d’inconnu est le sel même de l’aventure. Quel sera le thème de l’année prochaine ? Quels livres seront retenus ? Ils font confiance, prêts à découvrir avec les enfants et leurs familles des albums et romans qu’ils n’auraient sans doute pas connus ni sélectionnés. Ils sont prêts à prendre tous les risques. Tant pis s’il y a un livre mal-aimé, décevant, incompris. Cela fait partie du jeu. Cela aiguise la critique. Cela génère du débat.
Malheureusement, certains adultes se méfient.
  • Ils voudraient examiner tous les ouvrages avant de confirmer leur participation pour être sûrs que les enfants comprendront tout ! Vous comprenez toujours tout aux textes que vous lisez ? N’avez jamais besoin de lire plusieurs fois?
  • Le thème ne les inspire pas. L’eau ou l’Afrique, ils imaginent des activités pédagogiques. La famille ou la complicité, qu’est-ce-qu’on va faire dans nos classes avec des thèmes pareils ? La fiction n’est pas matière à exercice. Ce n’est pas le lecteur qui travaille avec la littérature. C’est la littérature qui façonne le lecteur.
  • Ils écartent des titres comme par exemple :

Les petits mégots (J’aime lire) : c’est trop triste pour mes CP. Savez vous qu’en France il y a aussi des enfants des rues ?
Aïssata et Tahitou (Le Sorbier) : les enfants soldats, vous n’y pensez pas ! Vos propres enfants ne jouent-ils pas à la guerre sur leur console ?
Le petit navire (Didier) : Pas question d’évoquer un miracle à l’école de la République ! Comment expliquerez-vous à vos élèves les sculptures du tympan de l’église du village ?
La chauffeuse de bus (Rouergue) : On ne doit pas se moquer. Et oui, elle est moche la dame mais elle a un coeur immense ! Derrière le paraître, l’être !
Murmure (De la Martinière) : On ne peut rien faire avec cet album. Seulement accepter une part de mystère et faire confiance à la pensée de l’enfant.
Léna, Léna (Etre) : Il faut arracher l’image qui suggère le plaisir sexuel. Quel crédit les enfants vous accorderont-ils quand ils découvriront la page dans l’exemplaire non censuré de la bibliothèque ?
La littérature n’est pas au service de l’enseignant ni de l’école. Elle existe en elle-même, à part entière. Elle fait découvrir des mondes et permet de mieux les comprendre. Elle n’est pas là pour rassurer mais pour élargir notre univers. Elle est faite pour interpeller notre quotidien, nos pensées, pour imaginer d’autres manières de vivre que la nôtre. Pourquoi refuser cette part d’inconnu qui nous enrichit infiniment ?

Véronique Marie LOMBARD (Décembre 2008)

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